Synthèse et motivation de nos demandes d’exonérations

Synthèse et motivation de nos demandes d’exonérations

1°) La Législation.

Les principales dispositions fiscales entre Monaco et la France sont principalement définies par la convention Franco-Monégasque du 18 mai 1963 (Annexe 1) :

TITRE II
Dispositions applicables aux personnes physiques et morales françaises
Article 7

1. Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 – seront assujetties en France à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France.

Le législateur prévoit deux cas distincts :

-            Soit celui des personnes qui « transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence« . Cette notion est très importante car elle désigne les personnes qui voudraient échapper à l’impôt. On utilise souvent le terme d‘exil fiscal pour ces personnes qui se font domicilier en Suisse, Andorre… Il s’agit donc de personnes privilégiées financièrement, ce qui n’est pas le cas de la majorité des Français de Monaco.
C’est donc une volonté délibérée de se soustraire à l’impôt en prenant une adresse sur un territoire à fiscalité réduite, mais sans y a voir le principal de ses intérêts, ni y résider à temps complet. Ainsi, cette notion de transport de domicile est un critère tout à fait pertinent en matière fiscale. Nous ne sommes pas concernés car on ne peut pas nous accuser d’avoir prémédité de naître à Monaco.

-            Soit celui des personnes qui ne pouvaient justifier de cinq ans de résidence au 13 Octobre 1962, ceci afin que les fraudeurs ayant pris fictivement une boîte aux lettres à Monaco ne puissent échapper à l’impôt.

Par définition, la convention place donc hors du champ d’application de l’article 7  les personnes nées à Monaco puisqu’elles n’ont jamais transporté leur domicile à Monaco et celles-ci sont de ce fait non imposables. Le temps utilisé, le futur « transporteront » signifie bien qu’il y a un désir de faire perdurer dans le futur cette exonération pour les Enfants du Pays qui n’ont jamais habité en France et qui ont leurs racines à Monaco.

2°) Respect de l’esprit de la convention ? (Annexe 2 et Annexe 3)

L’Esprit de la convention fiscale signée entre Monaco et la France ainsi que son texte ont fait l’objet de nombreuses

réserves lors des débats parlementaires au Sénat et à l’Assemblée Nationale.

JO du 25 juillet 1963, Extrait, Page 7, paragraphe 8 (débats parlementaires concernant la convention franco-monégasque signée le 18 mai 1963).

« Il convient de souligner que le nouveau régime s’instaurera dans le respect des situations acquises. Et j’entends les situations acquises dans le sens juridique commun, c’est-à-dire qu’un avantage éventuel escompté n’est jamais une situation acquise. Ceux de nos compatriotes qui comptaient cinq ans de résidence habituelle dans la Principauté le 13 octobre 1962 continueront comme par le passé, et quelle qu’ait été leur résidence antérieure, à bénéficier de l’immunité fiscale. Il en sera de même, je réponds ainsi à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de ceux qui sont nés à Monaco ou qui y naîtront, à condition qu’ils aient toujours eu leur résidence habituelle dans la Principauté à l’époque où ils deviendraient imposables. »

Réponse de M. Maurice Schumann, président de la commission des affaires étrangères: « C’est une précision importante. »

Article 47 de l’instruction fiscale du 17 juillet 1964 (BOCD II 2686) définissant les conditions de transfert de domicile. (Annexe 4)

« La condition de transfert de domicile à Monaco s’oppose à ce que soient considérées comme imposables en vertu du premier alinéa du paragraphe I de l’article 7 les personnes de nationalité française qui sont nées en Principauté et qui y sont établies depuis leur naissance mais ces personnes deviendraient imposables en France dans les conditions prévues par ledit article si, après avoir transféré leur domicile en France ou dans un autre pays, elles établissaient ultérieurement à nouveau à Monaco leur résidence habituelle. »

3°) L’Équité Fiscale avec les autres Français établis à l’étranger

Selon Bercy, la mesure a pour objectif principal de rétablir l’égalité des ressortissants français devant l’impôt, quel que soit leur domicile, et de prévenir l’évasion fiscale.

Pourtant, le code général des impôts stipule dans son Article 4A :
- Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus.
- Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française.

Aucun Français habitant hors de France n’est imposé en France sur ses revenus perçus à l’Étranger. Il n’y a donc pas d’équité entre les Français installés en Principauté de Monaco et les autres Français de l’Étranger. Est-il normal qu’un Français de Monaco soit imposable en France alors qu’un Français installé en Andorre ne l’est pas.

4°) Impôt injuste car impôt à sens unique : en tant que « étranger », aucune revendication possible.

Un Français résidant en France perçoit indirectement des aides ou des services provenant de contributions payées par les Français de Monaco alors que l’inverse ne s’applique pas.

L’Etat Français considère - de façon unilatérale et en totale contradiction avec l’article 7.1 de la convention franco-monégasque - que les Français de Monaco ne pouvant justifier de cinq ans de présence continue à Monaco au 13 octobre 1962, ou étant nés après 1962, sont considérés comme ayant conservé leur domicile fiscal en France et imposables à l’impôt sur le revenu en France sur l’ensemble de leurs revenus. Ceci est d’autant plus un « non sens » que les générations nées à Monaco après 1963 n’ont jamais eu de domicile en France, et il est donc impossible de conserver ce que l’on n’a pas et que l’on a jamais eu …

Pourtant, si la France considère que nous sommes fiscalement domiciliés en France, elle considère que nous sommes physiquement à l’étranger. Nous ne sommes pas à une incohérence près.

En conséquence, un Français résidant à Monaco paye des impôts mais n’a droit à rien en retour de l’Etat Français: pas de RMI ni de RSA, aucune prestation familiale, pas de possibilité d’allocation pour le logement, aucun abattement pour travaux, isolation, rénovation… Pas d’allocation pour la rentrée scolaire… rien.

Une solidarité à sens unique : nous devons payer mais lorsque nous sommes en difficulté, nous n’avons droit à aucune aide.

Une entreprise créée à Monaco est indirectement imposée par la France sans aucune aide à la création d’entreprise, aucun soutien, aucune dispense de charges sociales… puisque l’entreprise ne se trouve pas en France.

Pour les personnes ayant effectué leur service militaire, ceux-ci sont normalement pris en charge au niveau de l’assurance maladie par la France (pendant 1 an), le temps de trouver un travail. Ce dispositif n’était pas appliqué pour un Français de Monaco, considéré comme résidant à l’étranger. De nombreuses personnes ont du prendre une assurance privée à la fin de leur service militaire.

Problèmes à nouveau pour les bourses d’études, pour les grandes maladies et invalidités, les allocations de solidarité…

La déduction des frais de crèches n’est acceptée que depuis peu. De nombreuses personnes, ayant auparavant déduit de bonne foi ces frais très lourds, comme chacun le sait, ont été redressées avec pénalités.

A noter qu’il a fallu près de deux ans pour obtenir l’exonération des heures supplémentaires (lorsque l’exonération  était en vigueur) mais seulement à partir de la quarantième heure contre la trente-sixième en France.

De fait, les personnes en difficulté, de nationalité Française et qui résident à Monaco, n’ont droit à aucune solidarité en provenance de la France. C’est donc un impôt injustifié et injustifiable, tant du point de vue juridique que du point de vue moral.

Le fait de ne pas payer d’impôts sur nos revenus de source Monégasque n’aurait donc rien de choquant.

C’est au contraire la situation actuelle qui choque et qui est injuste. 

5°) La confirmation de l’interprétation et de l’exonération par la justice en Septembre 2009 (Annexe 6)

Le 1er Septembre 2009, la Cour d’Appel Administrative de Marseille a rendu un jugement N°06MA02917 sur le cas de Monsieur Sébastien X. Celui-ci a la double nationalité : Française et Italienne. Pensant que sa nationalité italienne le plaçait hors champs d’application de la convention.

Il s’est retrouvé face à la justice une première fois au Tribunal Administratif de Nice. Mais le juge a rejeté ce raisonnement car étant Franco – Italien  il conserve sa nationalité Française.

A ce titre,  la convention Franco-Monégasque doit être appliquée aussi à son cas, et notamment l’article 7: « les personnes physiques de nationalité française« … Sa demande a donc été rejetée et Sébastien a du à nouveau défendre son cas en tant que Français uniquement. Il s’est donc attaqué à l’interprétation de cet article 7 qui ne concerne que les Français. Les juges ont donc étudié uniquement cet article, qui comme vous pouvez le constater en caractères gras ci-dessus, ne contient aucun mot caché du type bi-nationalité ou autre… (Instruction du 06/04/2010 au bulletin officiel des impôts 14 B-1-10 paru le 15/04/2010 Annexe 8).

La Direction Générale des Finances Publiques nous dit que le cas de Sébastien est un cas d’espèce. Il n’en demeure pas moins qu’il ne faut analyser que ces quelques lignes. Tous les raisonnements décrits dans le bulletin sont en totale contradiction avec la jurisprudence du 1er Septembre 2009 qui conclue :
« La situation de M. X (né à Monaco en 1976), qui a toujours été domicilié à Monaco et qui n’y a jamais transféré son domicile au sens de la convention du 18 mai 1963, n’entre pas dans le champ d’application de ces dispositions ; que dans ces circonstances, ni les dispositions précitées de l’article 4 A du code général des impôts, ni aucune autre disposition de ce code ou de la convention franco-monégasque ne permettent son assujettissement à l’impôt sur le revenu en France sur ses revenus dont aucun n’est de source française ».

 6°)  La confirmation de l’interprétation par la justice en avril 2011

                Depuis avril 2011 et jusqu’à la fin de l’année 2011, le Tribunal Administratif de Nice confirme dans les dossiers examinés au fil des audiences l’interprétation de l’article 7 mais ajoute en outre la notion d’erreur de droit commise par la direction des Impôts. Une cinquantaine de dossiers ont reçu une réponse favorable.

7°) Le conseil d’Etat dans l’Arrêt Rapetto a, contre toute attente, non seulement mis un frein total à l’interprétation faite par le Tribunal de Nice et la Cour de Marseille, mais  a statué sans même vouloir étudier les documents transmis. Las, les cours ont dû se déjuger  arguant d’un prétexte tout aussi énorme que tiré par les cheveux : notre imposition s’explique  par la densité des relations entre Monaco et la France, par la protection que cette dernière fournit à la Principauté. Monaco est dès lors considérée comme un protectorat français, sa territorialité et sa souveraineté étant mises à mal.

 

°)  Raison Politique – Perpétuer la présence Française à Monaco

Les personnes qui devraient bénéficier de la jurisprudence du 1er septembre 2009 sont toutes nées à Monaco et y ont effectué leur scolarité. La plupart de ces familles sont installées en Principauté depuis le début des années 1900, à une époque où l’impôt sur le revenu n’existait pas en France.

Comme le dénonçait René Meffre, délégué des Français de Monaco (Annexe 5) il y a trente ans déjà :

« La conséquence en est très simple : si on ne remédie pas cette situation, il est certain que – d’ici 10 à 15 ans – il n’y aura plus de Français actifs à Monaco et les membres des autres communautés étrangères les auront complètement remplacés !

Est-ce là le souhait du Gouvernement Français ? Est-ce bien là l’intérêt de la France ? … »

 La communauté Française s’éteint peu à peu.

Pourtant, il serait intéressant que la France garde une place importante en Principauté et il est tout autant important pour Monaco de garder ses Enfants du Pays, viscéralement attachés à la Principauté qui les a vus naître.

La survie de notre communauté ne tient qu’à un fil : le secteur protégé  tôt ou tard voué à disparaître.

La situation alarmante a été dénoncée à maintes reprises par de nombreux acteurs politiques de la vie Française. Depuis plus de 10 ans, Christophe André Frassa, Sénateur, Représentant des Français établis hors de France  n’a eu cesse d’alerter les pouvoirs publics. (Annexe 7).

Arnaud Leroy, Député pour la 5ème circonscription des Français de l’Etranger, a, pour sa part, écrit à M Fabius pour l’informer du déclin de la communauté française en Principauté. Las, une fois encore, la France semblait penser que notre pérennité ne dépendait que de Monaco et que la France, via l’imposition, n’était nullement responsable de notre disparition.

Malgré la réponse officielle laconique du Ministre des Affaires Etrangères, M Leroy a rencontré les membres du cabinet de M Fabius mi- mars 2013, et ces derniers ont fait part de leur préoccupation quant à notre déclin. Officieusement, ils ne sont pas contre l’ouverture de négociations concernant la transmission du certificat de domicile.

La situation aujourd’hui.

En élaborant leur instruction fiscale en avril 2010 (Annexe 8), les services fiscaux ont mis tout le monde dans une impasse. Le Conseil d’Etat, dont le service du Contentieux avait été saisi pour demander l’annulation dudit bulletin, a confirmé le 02 novembre 2011 l’interprétation qui a été faite de l’article 7 par la Direction Générale des Finances Publiques et qui a prévalu jusqu’ici, et ce en étudiant un seul dossier sur la trentaine envoyés. En dépit d’un droit à un procès équitable, elle a occulté les pièces de nos dossiers. Le 1er février, le Conseil d’Etat a rejeté nos demandes, sans examiner nos moyens, nos arguments n’ont même pas été évoqués. Aucune mention n’a été faite des jugements favorables pour plus de 50 dossiers au Tribunal de Nice. Il n’a été fait aucune mention des débats parlementaires de 1963, du bulletin fiscal du 17 juillet 1964, des jugements de Nice. Tout ce qui prouvait que notre demande était juste a été occulté. Il est plus facile de ne pas avoir à justifier une décision quand toutes les pièces « gênantes » ont disparu !

Fin janvier 2013, au terme de la procédure d’admission des pourvois en cassation, nos différentes requêtes ont été mises à l’instruction. Le Conseil d’Etat a considéré par conséquent que nous invoquions un, si ce n’est plusieurs, moyen de cassation sérieux. Cette décision d’admission implique que l’affaire donnera lieu à un arrêt motivé, ce qui donnera plus de prises en vue d’une éventuelle poursuite du litige devant la Cour européenne des droits de l’homme.

En effet, la convention Européenne d’établissement de Strasbourg, signée le 13 décembre 1955, a posé la règle de la non-discrimination fiscale dans un même pays entre ses habitants de nationalités différentes.

 SOLUTIONS

Il serait très facile d’étendre le certificat de domicile à l’ensemble des Français nés à Monaco  - n’ayant jamais quitté la Principauté, travaillant à Monaco donc générant des revenus de source exclusivement monégasques – dont au moins l’un des deux parents possède ou possédait le certificat de domicile. Cela se ferait par simple lettre d’échange entre les deux états.

L’autre solution, serait d’exonérer les Français nés à Monaco après le 13 Octobre 1962 – n’ayant jamais quitté la Principauté, travaillant à Monaco donc générant des revenus de source exclusivement monégasques – qui démontreront, par tous moyens, leur preuve de résidence effective en Principauté. (Certificats de Scolarité en Principauté – Enquête des services Fiscaux de la Principauté – Avis du Consulat général de France à MONACO).

Enfin il est primordial que le secteur intermédiaire voit véritablement le jour, afin de permettre aux Enfants du Pays, de toutes nationalités, de pouvoir rester en Principauté.

Articles divers :

Article Option Finance en date du 16 Mai 2011 .

Jugement conseil d’état du 2 Novembre 2011.

Jugement Tribunal Administratif de Nice du 11 Janvier 2012.

Partie du Jugement de la cour d’Appel d’Aix en Provence du 26 Juin 2012.